Plume aventurière

Plume aventurière

Le consumérisme effréné dans les sociétés modernes, un fils du capitalisme né de l'obsolescence programmée des produits.

 

 

Je me retrouve en face de mon pc avec l'impression d'être le dernier des cons sur cette planète, car au final même avec mes modestes moyens je suis obligé d'acheter non pour une nécessité , mais juste pour l'envie, le besoin d'assouvir un désir provoqué par un produit qui m'a envoûté depuis l'autre côté de la vitrine. Pire encore, je peux acheter un produit par nécessité mais le concepteur a déjà décidé de sa durée de vie: c'est ce que l'on nomme l'obsolescence programmée. De quoi s'agit-il en réalité?

 

Joliment conçu par un américain mister LONDON, grand homme d'affaires ayant fait fortune dans l'immobilier, ce mot n'aura pas grand succès dans la période qui succéda la crise des années trente. Osons dire qu'à cette période, le contexte politico-économique ne réunissait pas tous les matériaux pour la réification d'une telle idée. En effet, à cette époque nous avions un monde scindé en deux, une paire avec différents angles de vue et différentes idéologies. Ces deux mondes se sont largement confrontés et avec une violence rare. On nommera des guerres mondiales, mais les esprits les plus fins ont réussi à cerner l'essence des frictions qu'on observait ça et là dans le décor mondial. Il s'agissait en fait d'un conflit entre le capitalisme et les autres régimes dits totalitaires. Nul besoin de clarifier l'affinité qui existe entre ce régime politique et le capitalisme, nous en faisons donc l'économie.

 

À l'issue de ces tensions, le capitalisme est sorti vainqueur et les autres régimes sont retournés dans leur cachot. Dans ce nouveau système le capital a constamment besoin d'être réinjecté, de trouver de nouvelles sources pour étancher sa soif, sa boulimie du gain. Alors des outils et des savoirs sont ainsi mobilisés à cette fin. Toute une armée et un arsenal sont sur le pied de guerre, car il faut avouer qu'il n'est pas chose simple de pourvoir les individus d'une addiction à la consommation. Par contre, le petit bémol est là: du point de vue éthique, est-il honorable de pousser implicitement les gens à dépenser? Il est évident que non! Il va falloir user de subterfuges.

 

C'est la partition d'individus, de dispositifs, de savoirs et de technologies dont la vocation est de donner au capital un espace viable, c'est-à-dire créer les conditions de la continuité de la production et de la consommation. Comment faire? L'idée était déjà là et le cadre propice: il faut inscrire dans le gène des produits une durée de vie limitée. C'est ainsi qu'en partie le consumérisme a connu des records inégalés. Dans l'ancien monde on était fier de payer un produit qui aura toute une histoire, qui nous accompagne et avec lequel on entretient une certaine affinité, mais aujourd'hui (dans le nouveau monde) on en achète parce qu'il y a un effet de mode ou on en rejette parce qu'il y a l'étiquette « has been » insidieusement opposée par la publicité ou autre stratégie quelconque. Je ne sais pas comment agit la magie de la pub pour faire de nous de vrais dépendants de la consommation. En effet, nous ne chauffons plus nos cartes bancaires pour des nécessités mais parce qu'un produit nous hante. 

 

J'intègre parfaitement qu'on imprime une durée de vie sur des produits alimentaires pour parer les intoxications, mais que l'on pose ces traquenards pour la viabilité du capital me pousse à chercher la part de l'éthique dans la sphère de la production/consommation. Laissez moi vous citer quelques faits empiriques de l'obsolescence programmée. L'industrie de l'automobile américaine nous offre un exemple. Les modèles T de Ford étaient réputés pour leur manque d'élégance mais surtout pour leur résistance au temps. Avec un prix assez correct cette voiture était au sommet du podium des ventes jusqu'à ce que GMC, plus que jamais convaincu qu'il ne pouvait battre son concurrent sur la mécanique, décida de lancer sa gamme de voitures multicolores (selon le goût) dont la particularité résidait dans le design. Ces belles voitures, très belles, devrais-je dire, avaient une durée de vie très limitée par rapport au Ford T. Néanmoins, GMC parvint à s'élever devant les ventes de son concurrent. La dynamique des entreprises nous aura quand même montré que celles qui réussissent, celles qui affichent une certaine réussite voient leur modèle se répandre. Naturellement, Ford fut obligé de suivre la tendance pour ne pas passer pour un nain de l'automobile.

 

Un autre exemple du même genre: lorsque DUPONT découvrit le nylon, les femmes étaient en liesse de mettre des collants très résistants. Mais ce bonheur ne sera que de courte durée car l'industrie du textile fera réduire la résistance de ces nouvelles fibres textiles. Du côté de la bureautique, une panne est programmée après un nombre bien défini d'impressions qui peut s'étaler sur une durée de cinq ans apprend-on à l'issue d'un documentaire. Cette panne programmée, à l'image d'une tumeur dans le cerveau, reste latente dans une puce qui arrête toute fonctionnalité lorsque l'imprimante atteint la durée que son concepteur lui donne. Apple a du s'engager dans un procès à l'initiative de certains usagers de son célèbre i pod, la cause? I pod d'Apple a une batterie qui ne dure que 18 mois et les clients qui demandent à acheter une batterie de remplacement sont automatiquement orientés vers l'achat d'un nouveau gadget. Cette plainte a conduit à une rallonge de la durée de vie de ces batteries et à une assurance supplémentaire.

 

Pour essayer d'être le plus objectif possible, j'ai essayé de comprendre pourquoi on s'acharne à consommer, la seule explication de faire fructifier le capital étant peu convaincante. L'interaction permanente qui existe entre les entreprises (sphère de production des richesses), les ménages (sphère de consommation) et les marchés (espace de rencontres et d'échanges) semble être le nœud de la question . Entre ces sphères transitent des biens: l'entreprise va acheter sur le marché du travail des forces de production contre une rémunération, leur produit sera ensuite vendu sur un marché où s'approvisionnent les ménages. C'est là un cycle qui ne doit pas se rompre. L'une des raisons de l'obsolescence programmée est la soutenance de ce cycle. Autrement, si les produits des entreprises ont une durée de vie trop longue, cela entraînerait la faillite de celle-ci et inéluctablement un chômage de masse donc une gangrène de l'économie. Si ce modèle est aussi répandu c'est parce qu'il fait l'unanimité. Néanmoins, je ne peux m'empêcher de me demander quel sera son avenir. Il est clair qu'un produit dont la conception est constamment renouvelée requiert plus de ressources naturelles qu'un produit dont la vie est plus longue. Le modèle de l'obsolescence programmée crée beaucoup de déchets et entraîne un gaspillage à grande échelle surtout quand on sait que dans les pays développés, la réparation ne fait guère partie des recours devant la panne de certains produits. On préfère largement faire un prêt au banquier ou vider ses comptes que d'essayer de réparer. D'ailleurs quand j'y songe, je n'ai jamais remarqué un atelier de réparation mis à part les garages, ce qui ne veut pas forcément dire qu'il n'en existe pas. C'est dire que ce système en entraîne un autre et que les comportements sont habillés d'une rationalité apparente qui peut paraître choquante ailleurs.

 

Cet ailleurs, c'est les pays du tiers monde où les produits, plus précisément électroniques, connaissent une deuxième, une troisième voire une quatrième vie. Ces pays deviennent le cimetière des produits encombrants en occident par l'effet d'un consumérisme sans limite de la société de croissance. Il faut opposer à cette stratégie le fait que les ressources ne sont pas intarissables. Dans le cas où nous devrions accepter la durée de vie des produits nous devons reconnaître que les mesures mobilisées pour leur recyclage n'est pas à la hauteur de la production. Gandhi disait que le monde est aussi grand pour satisfaire le besoin de tous mais il sera trop petit pour satisfaire l'avidité de quelques uns ( Gandhi mouvement-zeitgeist Moving Forward Jacques Fresco). Une nécessité de recadrer les gains qui justifient un système de production. Notre envie de consommer doit-il obéir à l'effet d'un mécanisme sournois? Quelles sont les conceptions de l'éthique dans les sphères production? comment penser un monde sans superflu inconscient? est-ce une culture caractéristique de notre siècle que de dépenser pour dépenser?...Ma question la plus osée est de savoir s'il n'est pas envisageable de sonder les pistes d'une société de décroissance?

 

                                                                                                            La plume aventurière...

 



19/09/2012
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